Points à retenir du dialogue virtuel de l’Accélérateur entre le Togo et la Guinée sur la santé communautaire et l’intégration de la vaccination

Auteurs: Isabeaux Kennedy Mitton, Lior Miller, Leah Ewald, Maria Francisco, Dr. SOW Mamadou Kaba, and Dr. GBEASOR-KOMLANVI Fifonsi

Assurer une couverture vaccinale équitable peut s’avérer difficile pour les pays à revenu faible et intermédiaire inférieur, car une faible couverture vaccinale est souvent liée à des systèmes de santé peu performants, tant dans les zones urbaines que rurales, ainsi qu’aux idées fausses et à la méfiance des communautés vis-à-vis des programmes de vaccination existants. En intégrant les services de vaccination à la santé communautaire, les pays peuvent tirer parti des stratégies communautaires et des agents de santé communautaires pour accroître et améliorer l’accès aux services de vaccination. 

La Guinée et le Togo, où l’Accélérateur soutient le renforcement du système de vaccination afin d’améliorer la couverture et l’équité de la vaccination routinière, ont tous deux mis en œuvre des stratégies de santé communautaire visant à donner plus de pouvoir aux communautés au sein du système de santé et à améliorer l’accès, la qualité et l’équité des services de santé. En 2021, 38 % des enfants en Guinée et 13 % des enfants au Togo n’ont reçu aucune dose de DTP1.  Au cours des premières consultations de l’Accélérateur avec les partenaires du Togo et de la Guinée, les deux pays ont manifesté leur intérêt pour l’apprentissage de leurs expériences respectives en matière d’intégration de la vaccination dans la santé communautaire en tant que stratégie d’amélioration de la couverture vaccinale.  

Le 22 avril 2022, l’Accélérateur a facilité un dialogue virtuel entre 23 parties prenantes clés de Guinée et du Togo, dans le cadre duquel les participants ont discuté des forces et des faiblesses des systèmes de vaccination et de santé communautaire de leurs pays, et de la manière dont ces deux systèmes peuvent être davantage intégrés. Objectifs de ce dialogue: 

  • Comprendre, en termes pratiques, à quoi peuvent ressembler l’intégration de la vaccination et de la santé communautaire en Guinée et au Togo, et les avantages potentiels pour les deux programmes. Examiner les besoins et les implications de l’intégration dans tous les éléments constitutifs du système de santé (financement, leadership et gouvernance, ressources humaines, infrastructure physique, coordination, prestation de services et engagement communautaire) ;
  • Identifier les défis et les pièges communs liés à l’intégration de la vaccination et de la santé communautaire (en s’appuyant sur les expériences d’intégration de la santé communautaire à d’autres programmes) ;
  • Partager les stratégies pratiques que les deux pays ont utilisées avec succès pour intégrer la santé communautaire à d’autres programmes de santé, notamment l’immunisation ; et
  • Identifier les besoins pour un apprentissage plus approfondi autour de l’intégration de la santé communautaire et de la vaccination.

Parmi les participants figuraient des fonctionnaires des divisions de l’immunisation, de la santé communautaire et de la planification des ministères de la Santé du Togo et de la Guinée, des partenaires dont l’OMS, l’UNICEF, Integrate Health, Priority Health Guinea, et des représentants d’organisations de la société civile. 

Le dialogue virtuel a commencé par une discussion sur un cadre pour l’intégration de la santé communautaire et de la vaccination, qui a présenté trois exemples d’intégration réussie : la Mission nationale de santé rurale2en Inde, la Stratégie de santé communautaire3 au Kenya et le Programme de gestion intégrée des cas communautaires4 en Sierra Leone. Pour permettre aux participants de comprendre comment améliorer la couverture vaccinale au niveau des systèmes, le cadre a permis d’examiner comment l’intégration peut être envisagée à travers les six éléments constitutifs d’un système de santé.  

Expanding the WHO’s Health Systems framework to include community health and immunization integration across all six building blocks of the health system
Figure 1: Élargir le cadre des systèmes de santé de l'OMS pour inclure l'intégration de la santé communautaire et de la vaccination dans les six éléments constitutifs du système de santé
Les six piliers d’un système de santé
 
La prestation de services
Augmenter l’accès aux services de vaccination par le biais de programmes d’accompagnement des ASC
Les travailleurs de santé
Mobiliser les ASC pour faciliter la communication entre la communauté et le système de vaccination
Les informations
Les ASC et les leaders de la communauté soutiennent la collecte de données pour le suivi des nourrissons et l’identification des problèmes
Les produits médicaux, les vaccins et les technologies
Les ASC aident à effectuer le suivi et l’évaluation des systèmes de gestion des stocks et la distribution des vaccins ainsi que des fournitures essentielles
Le financement
Les comités communautaires peuvent fournir des directives sur les dépenses et les budgets locaux.
Programmes de sensibilisation pour les entreprises locales afin de mobiliser des ressources locales
Le leadership / la gouvernance
Les comités et leaders communautaires peuvent fournir des directives sur les services de vaccination afin de renforcer la responsabilisation / la gouvernance et soutenir la planification de campagne et les activités de sensibilisation

Après la présentation du cadre, les participants de Guinée et du Togo ont partagé des informations sur les services de vaccination de leurs pays et des propositions pour mieux intégrer la santé communautaire et la vaccination. Le fait de réunir ces pays francophones de la région de l’Afrique de l’Ouest dans un espace commun a été une expérience précieuse pour les deux pays, car elle a permis au Togo et à la Guinée d’élaborer des stratégies pour relever les défis communs aux deux pays et de tirer des leçons de leurs différences : 

  • Conformément à sa politique nationale de santé communautaire, la Guinée espère qu’en développant les capacités de tous les agents de santé, en améliorant la disponibilité et l’accessibilité des vaccins et en élargissant la couverture géographique des sites de vaccination, elle pourra relever les défis en matière de couverture qui ont entraîné une baisse du nombre d’enfants complètement vaccinés de 37 % en 2012 à 30 % en 2018. La Guinée a également indiqué les stratégies de santé communautaire qui étaient en cours pour améliorer la couverture vaccinale et l’équité, telles que « l’École des Maris», une approche qui vise à impliquer les hommes dans la promotion de la santé maternelle et infantile, ceci incluant la prise de décisions concernant la vaccination des enfants. En outre, la Guinée est engagée dans une discussion sur la durabilité de l’institutionnalisation des ASC en tant que personnel rémunéré suite à l’adoption de la politique nationale de santé communautaire. Les salaires des ASC sont censés être financés par le gouvernement ; cependant, en réalité, ils sont souvent payés par les partenaires et les bailleurs, ou ne sont pas payés du tout. En explorant les solutions potentielles pour assurer le paiement des salaires, les partenaires guinéens ont exprimé qu’ils souhaiteraient connaître la ligne budgétaire nationale du Togo pour la santé communautaire.   
  • Au Togo, la couverture vaccinale pour tous les antigènes est de 80 %, à l’exception de la rougeole-rubéole 2 (MR2, de l’anglais Measles Rubella 2) et du tétanos-diphtérie (Td2+). Malgré les taux de couverture vaccinale relativement élevés du Togo, l’accessibilité et la couverture vaccinale au Togo varient d’une région à l’autre (les régions de Grande-Lomé et Maritime ont la couverture vaccinale la plus faible, avec respectivement 57 % et 56 % de couverture pour MR2). Semblable à l’École des Maris de la Guinée, la stratégie « Papa Champion» est utilisée par la Plateforme des Organisations de la Société Civile pour la Vaccination et l’Immunisation (POSCVI) où les maris, avec le soutien des centres de santé locaux, effectuent des visites dans les foyers où les membres de la famille expriment des hésitations ou des réticences à la vaccination. D’autres stratégies d’intégration de la santé communautaire et de la vaccination pour améliorer l’accès équitable aux vaccins au Togo comprennent des efforts pour améliorer la formation, le traitement et la compensation financière des ASC au Togo. L’intégration comprend également la participation active des acteurs du système de santé communautaire, notamment les agents de santé communautaires, les agents de relais communautaires, les ONG, les organisations de la société civile, les chefs traditionnels et religieux et les comités sectoriels.  

Les exemples de santé communautaire et d’intégration de l’Inde, du Kenya et de la Sierra Leone prouvent que l’engagement des ASC dans les services de vaccination (par exemple via la mobilisation sociale et la communication, les références et, dans certains cas, la fourniture directe de services de vaccination) permet d’améliorer la couverture de la vaccination de routine dans les environnements à faibles ressources. Vous trouverez ci-dessous les principales conclusions et leçons tirées de ces études de cas, qui ont été partagées avec les participants lors de la présentation du cadre :  

  • Les ASC jouent un rôle crucial d’interface entre les communautés et les systèmes de santé du fait des relations de confiance qu’ils entretiennent avec les membres de la communauté. Les ASC peuvent facilement identifier les tensions et les lacunes en matière de communication entre les travailleurs de santé et les populations qu’ils servent, ce qui entraîne généralement des sentiments de méfiance et des malentendus4
  • Les ASC peuvent augmenter la demande de services de vaccination en informant les communautés des services auxquels elles ont droit, ce qui favorise à la fois la responsabilisation du système de santé communautaire et l’autonomisation des membres de la communauté1
  • Les ASC peuvent améliorer la couverture vaccinale de routine en promouvant des ensembles de services plus larges, qui comprennent des services de santé maternelle et infantile, l’éducation et le conseil en matière de santé, la fourniture de moustiquaires imprégnées d’insecticide et des services de vaccination3.
  • Les obstacles à la réussite de l’intégration des ASC dans les services de vaccination comprennent des défis au niveau des systèmes, tels qu’un équipement de chaîne du froid inadéquat, un manque de supervision de soutien, l’incapacité d’analyser les données rapportées, des fonds insuffisants et l’incapacité des centres de santé locaux à répondre aux besoins d’une population croissante2.   

Malgré les preuves en faveur de l’intégration des ASC aux services de vaccination tirées des exemples de trois pays, il n’existe toujours pas suffisamment de données dans la littérature d’études de haute qualité démontrant un lien entre des services de vaccination et de santé communautaire plus intégrés et une meilleure couverture de vaccination routinière.  La littérature existante sur l’impact de l’intégration est soit dépassée, soit composée de preuves de faible qualité. Étant donné les engagements forts de la Guinée et du Togo pour augmenter et améliorer l’intégration des ASC dans les efforts de vaccination, les deux pays ont l’opportunité d’explorer les possibilités et les avantages de l’intégration de la santé communautaire et de la vaccination, et de contribuer à la littérature et aux preuves au niveau national émanant de modèles d’intégration réussis. 

Nous sommes reconnaissants de l’engagement actif de nos participants, intervenants et facilitateurs. Les parties prenantes étaient désireuses de poursuivre ces échanges et de partager entre elles les politiques et les ressources des pays dans le but d’adopter les bonnes pratiques et les leçons apprises.  Un deuxième dialogue virtuel sur l’exploitation efficace des campagnes de vaccination pour le renforcement de la vaccination systématique aura lieu en juin 2022. 

Références: 

  1. Gavi staff, (2021). The Zero-Dose Child: Explained | Gavi, the Vaccine Alliance. https://www.gavi.org/vaccineswork/zero-dose-child-explained
  2. Pandey, P., Sehgal, A. R., Riboud, M., Levine, D., & Goyal, M. (2007). Informing Resource-Poor Populations and the Delivery of Entitled Health and Social Services in Rural IndiaA Cluster Randomized Controlled Trial. JAMA, 298(16), 1867–1875. https://doi.org/10.1001/jama.298.16.1867
  3. Nzioki, J. M., Ouma, J., Ombaka, J. H., & Onyango, R. O. (2017). Community health worker interventions are key to optimal infant immunization coverage, evidence from a pretest-posttest experiment in Mwingi, Kenya. The Pan African Medical Journal, 28, 21. https://doi.org/10.11604/pamj.2017.28.21.11255
  4. Enria, L., Bangura, J. S., Kanu, H. M., Kalokoh, J. A., Timbo, A. D., Kamara, M., Fofanah, M., Kamara, A. N., Kamara, A. I., Kamara, M. M., Suma, I. S., Kamara, O. M., Kamara, A. M., Kamara, A. O., Kamara, A. B., Kamara, E., Lees, S., Marchant, M., & Murray, M. (2021). Bringing the social into vaccination research: Community-led ethnography and trust-building in immunization programs in Sierra Leone. PLOS ONE, 16(10), e0258252. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0258252